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Lettre d'un Citoyen

giſſent en faits, je vais d'abord en citer. Si je les tirais des Pays lointains, je pourrais courir le riſque de trouver des incrédules ; mais je ne ſortirai point du Royaume, pour mieux unir à la foi de ce que j'avance, le témoignage de tous ceux qui ont pu le voir comme moi.

On ne peut regarder ſans admiration, la quantité de beſtiaux de toute espèce, que l’on voit dans une Métairie, dans la Lorraine & dans l’Alſace. La vigueur, le bon état de ces animaux, la quantité de Valets & de Servantes, employés non-ſeulement à ſoigner ces troupeaux, mais ſur-tout à travailler aux différentes parties de l’Agriculture, qui là, ne manquant point de bras, eſt dans une vigueur qui étonne avec raiſon, tout Voyageur qui ſçait réfléchir ; mais après avoir parcouru d'un œil ſatiſfait, ces plaines vaſtes & fertiles, couvertes de bleds & de grains de toute eſpèce, après avoir félicité le Cultivateur heureux qui jouit de tant d'abondance, ſi on lui demande quelle en eſt la principale ſource, ce Cultivateur n'héſite pas à répondre. « Regardez ce champ verdoyant, ce champ de Pommes de terre, c'eſt lui qui eſt la cause de la fertilité de tous les autres ; c'eſt lui qui me donne moyen d'élever, de nourrir une ſi grande quantité de beſtiaux qui me procurent abondamment des engrais : c'eſt lui qui fournit en grande partie, à la nourriture de ma famille & de mes Domeſtiques ; & comme je les nourris ainſi à peu de » frais, je ne crains point d'en avoir un grand nombre ; ce qui me met en état de mieux cultiver mes terres, de les purger de mauvaiſes herbes, & d'y apporter tous les ſoins auxquels vos Laboureurs avouent ne pouvoir ſuffire, parce qu'ils manquent de travailleurs, & qu'ils n'ont point chez eux autant de gens qu'il leur en faudrait pour bien ſuivre leurs travaux, dans la crainte de voir conſommer la plus grande partie du Bled qu'ils ont récolté. »

Pour nous qui en conſommons peu, nous en vendons beaucoup, de même que de nos autres grains, & voilà la cauſe de notre aisance. »