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à ſes Compatriotes.

que les Pommes de terre engraiſſent le terrein ; je ne crois pas que c'en ſoit une preuve : mais c'eſt que le champ ſe trouve merveilleusement préparé par le cerfouiſſage pendant l’Été, & par l’opération de la récolte qui oblige de retourner tout le terrein. Mais, dira-t-on, il y a quelques cantons en Normandie, où l’on ne laiſſe point de terres en repos ; là, l’expérience fera connoître s'il n'y a pas plus d'avantage à faire de moins, un acre d'orge, d'avoine ou de ſarraſin, & d'employer cet acre à la culture des Pommes de terre. On peut en juger aiſément par cette Comparaiſon. Un acre d'orge ne rapporte pas mille peſant en grain ; & un acre de Pommes de terre bien cultivées, rapportera trente mille peſant. On peut juger par-là, de l’étendue de la nourriture, & par conſéquent du profit.

Il n'y a donc pas plus d'inconvénient à cultiver les Pommes de terre en Normandie, que par-tout ailleurs ; mais il eſt aiſé à démontrer que cette culture y ſera plus utile, & même plus néceſſaire.

La Normandie eſt une des Provinces de France la plus abondante en pâturages : on y peut faire aiſément des éleves pendant l’Été ; mais l’inſuffisance de la nourriture pendant l’Hyver, y met des obſtacles : retenus par cette conſidération, les uns n'élèvent point pendant l’Été ; les autres vendent à l’approche de l’Hyver ; & ceux qui ont nourri des animaux pendant cette ſaiſon, les vendent très-chers au Printemps, pour ſe dédommager de ce qui leur en a coûté, ſur-tout ces dernieres années, où les grains & les fourages ont été à haut prix. Au moyen des Pommes de terre, ces difficultés n'auront plus lieu ; la récolte d'un acre ſuffit pour nourrir pendant tout l’Hyver, un grand nombre d'animaux de toute espèce, Chevaux, Vaches, Cochons, Moutons, Volailles, &c.

Tous ces animaux, exempts de préjugés & de ſubterfuges, en mangent très-bien, sinon crues, au moins cuites, les premières fois qu’on leur en donne; l’eſpèce ainsi deviendra plus commune & par conſéquent à meilleur marché, & les Villes ſe reſ-ſentiront