Page:Variétés Tome I.djvu/129

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de Themis3. La harangue de ces striges et enchanteurs fut un tissu du grec de Demosthène, du latin de Ciceron, de l’arrabe d’Avicenne, de l’hebreu de Joseph ; bref, tout le miel d’Hymette, toutes les fleurs du Parnasse, y estoient abondamment espandüs. Neantmoins cet esprit de calibre, ce jugement de fine trempe se douta de l’encloüeure, et recogneut en leurs discours quelque chose de sur-naturel. Après donc quelques complimens faits de bienseance, il les congedie, et leur fait promettre de le revoir en plus grande troupe. Partis que sont ces effrontez, ils rencontrent de hazard un certain senateur, dont la face morne et triste monstroit l’esprit n’estre en bonne assiette. Eux trouvant cet humeur propre à leurs malefices, ils l’abordent, l’appellent par son nom, feignent avoir estudié avec luy, le font ressouvenir de ses jeunesses passées, enfin s’informent de la cause de son ennuy. Il leur dit franchement qu’il estoit pressé de creanciers, et que ses debtes le reculoient de ses pretentions. Ils prennent l’occasion au poil, lui font offres de deniers et luy promettent de livrer à son simple cedule telle somme qu’il desire. Les remerciemens suivent les offres ; ils se separent après s’estre dit reciproquement leur logis. Nostre conseiller demeure estonné de l’excessive liberalité de ces incogneus, ne se souvient point les avoir jamais pratiquez, et, contant le fait à plusieurs


3. Les Rose-Croix s’attaquèrent surtout aux gens de robe pour les endoctriner. « Ils produisent, dit G. Naudet, des advocats et presidents qui pourroient rendre tesmoignage de cette congregation. » Instruction à la France, etc., pag. 5.