Page:Variétés Tome I.djvu/180

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ennuyant, il trama avec sa femme de se sauver, laquelle, saige et accorte, desireuse de complaire à l’intention de son mary, sceut si bien entretenir ses gardes un soir qu’il fist le malade, qu’il eust moyen de se sauver en habit d’une des servantes de la dicte femme5, et, estant aidé de chevaux, s’en alla d’une traicte (en la diligence que pouvez penser) à dix lieux d’icy, où il print la poste pour gaigner Sarragoce, de cela il y a peu moins de deux ans, et, y estant arrivé, se presenta à la justice du lieu, remonstra qu’il estoit natif du païs d’Arragon, que l’on l’avoit detenu injustement en prison un long temps par deçà, et qu’ayant trouvé moyen d’eschapper, il se mettoit entre leurs mains, les prioit de luy conserver son innocence, et ne point souffrir qu’il fust traicté contre les priviléges desquels ont accoustumé de jouyr ceux du dict païs d’Arragon : à quoy il fut receu, et par ceremonie mis en prison en la dicte ville. Les officiers de


5. Selon M. Mignet (pag. 118), Perez prit « un vêtement et une mante de sa femme » ; mais ce qui est dit ici des habits de servante endossés par le fugitif s’accorde bien mieux avec ce qui suit dans le récit de l’excellent historien : « Il passa, dit-il, sous ce déguisement, à travers les gardes, et sortit de sa prison. Au dehors l’attendoit un de ses amis, et plus loin se tenoit l’enseigne Gil de Mesa, avec des chevaux tout prêts pour le transporter en Aragon. À peine avoient-ils fait quelques pas dans la rue avant de joindre Gil de Mesa, qu’ils rencontrèrent des gens de justice faisant la ronde. Sans se troubler, l’ami de Perez s’arrêta et causa avec eux, tandis que Perez restoit silencieusement et respectueusement derrière eux, comme un domestique. » Id., 118-119.