Page:Variétés Tome I.djvu/244

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Parle, raisonne, delibère.
Enfin, pour le dire inter nos,
Ce n’estoit du tout qu’un cahos.
Mais cependant, foy de Dentelle,
Disoit, pour temoigner son zèle,
Un grand Cravate fanfaron8,
Il nous faut venger cet affront ;
Revoltons-nous, noble assemblée :
J’en ai l’ame trop bourrelée.
Et dit, en jurant par la mort :

Voyons qui sera le plus fort.

Vous pouvez vous imaginer facilement combien ce discours chatoüilla l’oreille de la Gueuse, qui n’aspiroit qu’à la revolte et la sedition. Quelques unes remontrèrent toutes les difficultez qu’il y avoit dans une semblable entreprise, veu que, n’etant plus en


8. Cravate, qui étoit alors un mot nouveau, se mettoit indistinctement au féminin, comme dans la lettre de madame de Sévigné du 22 avril 1672, et au masculin, comme ici. C’est, du reste, avec intention qu’on lui donne ce genre dans cette pièce, où tous les objets de toilette ont un rôle si viril et si belliqueux. On sait, en effet, que la cravate a une origine toute militaire. On en doit la mode et le nom aux soldats croates ou cravates, comme on prononçoit alors, qui servoient dans les armées du roi : ils se garnissoient le cou d’une bande d’étoffe aidant à soutenir sur leur nuque l’amulette qui devoit les garantir des coups de sabre. Ce qui étoit superstition chez eux devint mode et est resté usage chez nous. Dans cette pièce, le cravate de dentelle intervient à la façon guerroyante de son patron, le vrai Croate : nous l’entendrons dire tout à l’heure qu’il a fait deux campagnes sous monsieur le Prince !