Page:Variétés Tome I.djvu/248

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moins fait deux ou trois campagnes ; et telle Broderie qui n’avoit jamais esté plus loin que du fauxbourg Saint-Antoine10 au Louvre racontoit mille beaux exploits qu’elle avoit faits, tantost sous un tel capitaine, et tantost sous un autre chef.

Ainsi souvent les ridicules,
Rencontrant des esprits crédules,
Se vantent de mille beaux faits,
Et, pour que chacun les honore,
Leurs testes, dignes d’hellebore,
Racontent des combats qu’ils ne virent jamais.

Ce n’est pas une chose rare dans le monde que ces sortes d’extravagances. Combien voyons-nous tous les jours de ces braves jusqu’au degainer ! Combien de ces gens qui se font tenir à quatre, pourveu qu’il y ait quelqu’un pour les separer, et qui ne parlent que de mettre sur le carreau, de casser les jambes et d’abattre un bras, pourveu qu’ils aient perdu l’ennemi de veüe ! Nos Passemens en firent bien de même lors qu’ils virent le renfort des Espées et des Pistolets ; jamais on ne vit de plus grands rodomonds. Une Dentelle d’Angleterre s’ecria là-dessus :

Qu’aurons-nous donc à redouter,
Puisque la Cour reste sans armes ?
Je crois qu’il ne faut pas douter


10. C’étoit le quartier des brodeuses. Madame Dumont, que le comte de Marsan avoit amenée de Bruxelles à Paris, et à qui il avoit fait obtenir le privilége exclusif des ateliers de dentelles, s’y établit à la fin du XVIIe siècle, et ajouta ainsi à la réputation industrielle de ce faubourg, déjà si bien commencée.