Page:Variétés Tome I.djvu/289

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ché. Quand je serois peintre en fresque, en huile, en detrempe, on ne verroit point icy sa peinture. Eh ! pourquoy ? Parce qu’elle ne sert pas à mon sujet.

Encore une digression, Monsieur le lecteur, et puis plus. On connoîtra par là que Brioché fut original pour les marionnettes, puisque certains, en certains païs, les croyoient personnes vivantes. Il se mit un jour en tête de se promener au loin avec son petit Esope de bois remuant, tournant, virant, dansant, riant, parlant, petant. Cet heteroclite marmouset, disons mieux, ce drolifique bossu, s’appelloit Polichinelle ; son camarade se nommoit Voisin3, et manioit un violon comme Pierrot le Fort.

Après que Brioché se fut presenté en divers bourgs, bourgades, villes, villages, escorté de Polichinelle et de sa bande, il pietonna en Suisse dans un canton dont Rochefort n’a point de reminiscence, ni moy non plus. Qu’importe ? c’etoit un quartier où l’on connoissoit les Marions, et point les marionnettes. Polichinelle ayant montré son minois aussi bien que sa sequelle, en presence d’un peuple brule-sorcier, on denonça Brioché aux magistrats. Des temoins attestoient avoir oüy jargonner, parlementer et deviser de petites figures qui ne pouvoient être que des diables : on decrette contre le maître de cette troupe de bois animée par des ressorts. Sans la rhetorique d’un homme d’esprit qui prêcha les accusateurs, on auroit condamné le sieur Brioché à


3. « N’étoit-ce pas plutôt le voisin, le compère de Polichinelle ? » dit M. Ch. Magnin, qui cite ce passage. (Id., p. 140.)