Page:Variétés Tome I.djvu/376

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Et mesmement aux faulx dieux
Le flair en est gracieux :
Il les contente, où leur prestre
Veult la chair pour en repaistre.
Les prestres et les devins
Des sacrifices divins,
Aux solennelles journées,
Enlevoient les charbonnées :
C’est tout un et l’aloyau,

J’en croy le boucher Croyau.



L’ayant aperceu, le roustisseur demanda au facquin : Veulx-tu sus nostre differend croire ce noble Seigni Joan  ? Ouy, par la sambre guroy ! respondit le facquin. Adonc Seigni Joan, ayant leur discord entendu, commanda au facquin qu’il luy tirast de son bauldrier quelque pièce d’argent. Le facquin luy mist en main ung tournois Philippus. Seigni Joan le print et le mist sur son espaule gausche, comme explorant s’il estoit de poids ; puis le timpoit sur la paulme de sa main gausche, comme pour entendre s’il estoit de bon alloy ; puis le posa sus la prunelle de son œil droict, comme pour veoir s’il estoit bien marqué. Tout ce fust faict en grand silence de tout le badaud peuple, en ferme attente du roustisseur et desespoir du facquin. Enfin le feit sur l’ouvroir sonner à plusieurs fois ; puis, en majesté presidentale, tenant sa marotte au poing, comme si feust un sceptre, et affublant en teste son chaperon de martres singesses, à aureilles de papier fraisé à poinct d’orgues, toussant prealablement deux ou trois bonnes fois, dist à haulte voix : La cour vous dict que le facquin qui a son pain mangé à la fumée du roust civilement a payé le roustisseur au son de son argent ; ordonne la dicte cour que chascun se retire en sa chacunière, sans despens, et pour cause. » (Rabelais, liv. III, ch. 36.)