Page:Variétés Tome II.djvu/123

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sont toujours equivoques ses parens prirent les termes de cette prediction du bon côté.

La petite Margot croissoit de jour en jour, et ses graces se developpoient à vüe d’oeil. Il s’agit de vous faire son portrait : c’est l’usage des historiens. Vous n’attendrez pas long-tems, car le voici :

Ses cheveux étoient d’un blond tirant sur le tombac2, ses yeux assez brillans et d’une fripponnerie à craindre, son nez entre le ziste et le zeste, ses dents inégales, mais d’une olive claire ; sa bouche entre ronde et ovale, et son teint d’un blanc qui, joint avec le roux de sa chevelure et de ses sourcils, representoit un satin blanc de lait broché d’or ; sa gorge sociable ; sa taille etoit haute et menue, et son panier si large, que depuis la ceinture jusqu’à la tête, qu’elle avoit extremement bichonnée, elle ressembloit à un oranger en caisse3.

Son père, qui n’etoit qu’un simple remouleur de couteaux d’ancienne fabrique, et sa mère, qui n’étoit qu’une tripière en détail, ne lui refusèrent rien de l’education qu’on donne à une fille de son rang. La


2. Le tombac ou tombacle est un métal de composition formé par l’alliage du cuivre et du zinc. Il est blanc quand celui-ci domine, ou jaune, comme ici, quand c’est le cuivre. Il étoit, au dernier siècle, pour les gens du peuple, ce que le chrysocale est aujourd’hui. Chaque faraud vouloit

De tombacle ou d’argent la boucle
Aussi brillante qu’escarboucle.

(Les Porcherons, chant 1er [Amusemens rapsodi-poétiques, etc. Stenay, 1783, in-8, p. 132].)

3. On trouve une comparaison à peu près du même genre