Page:Variétés Tome II.djvu/307

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des du corps du roi, d’arrêter à la sortie de la messe le chevalier de Rohan. La chose fut exécutée, et ce chevalier conduit dans la chambre du sieur de Brissac, auquel il demanda à manger. Ce major lui en fit apporter, mais après en avoir demandé la permission au roi.

L’après-dînée, on le mit dans un carrosse, et on le mena à la Bastille, d’où je le vis sortir le jour qu’il fut exécuté, à demi mort, les lèvres toutes bleues, pâle et défiguré comme un trépassé, s’appuyant sur les bras des PP. Talon et Bourdaloue, et ne pouvant presque pas se soutenir, quoiqu’il parût faire tout ce qu’il pouvoit pour se tenir ferme.

Je vous ai ci-devant écrit tout ce qui se passa à sa mort, mais j’ai appris depuis des choses que j’avois ignorées, et dont je vais vous informer ; et je vous dirai que, le propre jour qu’on l’exécuta, il communia à une heure après minuit, le P. Bourdaloue en ayant obtenu la permission de M. l’archevêque, ce qui n’a pas été approuvé des docteurs de Sorbonne. Deux heures avant que de mourir, il écrivit à madame de Guémené, sa mère, et l’on a cru qu’il avoit quelque espérance qu’on lui feroit grace8, car on observa que, pendant qu’il écrivoit, il ne passa


8. Au dire de La Hode, « personne n’intercéda pour lui, pas même madame de Montespan, à qui l’on veut qu’il n’ait pas été indifférent. » Le président Hénault cite, au contraire, un fait qui prouve combien tout fut mis en usage pour tâcher de fléchir Louis XIV. « On représenta devant le roi, dit-il, quelques jours avant l’exécution, la tragédie de Cinna, pour exciter sa clémence ; mais ses ministres lui firent sentir la