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Page:Variétés Tome II.djvu/354

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que plusieurs parlent de la cause grasse quy ne savent ce que c’est, et quy croyent que ce soit une chose quy se doive mespriser. Au contraire, si Ciceron et Demosthènes vivoient en nostre siècle, ils auroient bien de la peine d’y recognoistre leurs preceptes.

On void dans ceste cause l’eloquence paroistre toute nue, en chair et en os, vive, masle et hardie ; tous les boutons et les fleurs de bien dire repandues çà et là. Dans l’exorde on s’insinue dans l’esprit de l’auditeur par quelque chose quy frappe les sens ; la narration y est toujours de quelque coquette abusée ou de quelque oison plumé à l’eau chaude ; les raisons y sont toutes tirées de l’humanité ou des choses naturelles ; les mouvemens y sont frequens, et l’intention de celuy quy plaide est d’exciter à rire, et non à la commiseration : car quy ne riroit seullement de voir la posture de ceux quy sont les juges de ceste belle cause pisser dans leurs chausses à force de se contraindre et pour rire le moins qu’ils peuvent, et les advocats, clercs, quy ont l’honneur d’y plaider, parler gravement et serieusement des choses les plus bouffonnes du monde ? C’est là où la basoche est en triomphe, où le Mardy-Gras et Bacchus occupent chacun une lanterne pour escouter un plaidoyer si facetieux et si charmant, qu’on est contrainct


presque toujours choisi parmi les plus grivois et même les plus orduriers. C’est ce qui fit supprimer cet usage burlesque dans les premières années du XVIIIe siècle. Mais on continua d’appeler causes grasses, au Palais, toutes celles qui avoient un côté plaisant.