Page:Variétés Tome II.djvu/358

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nos ames, et nous donne des mouvements si grands, que nostre repos precedant se change en des inquietudes quy, faisant naistre la cholère avec le depit, nous poussent bien souvent à des actions insensées. J’apporterois icy un grand nombre d’exemples d’antiquité que nous fournit l’authorité de nos pères ; mais, ne me voulant pas empescher longuement, je me contenteray de celuy que ceste ville de Paris nous fournit aujourd’huy.

Isabelle et Cloris, deux belles filles, et parfaictes pour donner de l’amour aux plus retenus, ayant quelques correspondances d’humeurs, s’aymoient il n’y a que deux jours avec tant de passion qu’elles n’avoient point de repos que dans leurs entretiens : tout leur estoit commun, et elles ne se cachoient leurs pensées, de quelque consequence qu’elles fussent.

Isabelle estoit adorée de Philemon, jeune cavalier et digne veritablement des faveurs qu’elle luy donnoit ; recherchoit avec soin toutes les occasions de le voir, et, lorsque les inventions luy manquoient, employoit l’esprit de Cloris et se servoit bien souvent de son assistance, de sorte qu’elle vivoit avec beaucoup de repos parmy la craincte que les femmes doivent avoir de perdre ce qu’elles ont acquis.

Cloris estoit aimable et donnoit tant de graces à ses actions, que sa beauté paroissoit avec plus de charmes que celle de son Isabelle : de sorte que Philemon, suivant l’humeur de quelques hommes de ce temps, qui se plaisent aux changements, ne la peut voir et frequenter si souvent sans avoir quelque particulière affection pour elle, quy, passant au de-