Page:Variétés Tome II.djvu/359

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la bienveillance, se convertit en violent amour. Cloris, quy le trouvoit fort à son gré, et quy jugeoit sa compaigne heureuse en son eslection, et jugeant aux œillades continuelles qu’il luy jetoit qu’elle avoit une bonne part de son ame, et qu’il n’est retenu que par la crainte d’offenser l’amitié qu’elle avoit avec Isabelle, luy dit, un jour qu’elle l’estoit venu voir : Philemon, je ferois une faute contre la franchise que je garde en mes actions, et croirois encore faire tort à vostre vertu, si je vous cachois ma pensée. Vous croyez qu’Isabelle ne soit que pour vous, et, n’en voulant point aymer d’autres, vous sacrifiez tellement à ses passions que vous ne semblez vivre que pour son repos. Vostre amour vous aveugle : elle abuse de vostre patience avec trop de liberté, et croyez qu’elle fait partager les faveurs qu’elle vous donne à d’autres que le merite et la naissance vous rendent inferieurs. Je suis extremement marrie d’estre obligée à ce discours, car la confiance qu’elle prend en mon amitié me devroit empescher de luy nuire ; mais, ayant trouvé tant de perfections en vous, je croirois encore faillir davantage ne vous advertissant point de cela. Que la raison soit la plus forte en vous, et que sa faute vous fasse sage. Je seray fort contente de vostre repos, et croyez que je le rechercheray tousjours comme estant voire très humble servante.

Un rival ne nous plaist jamais, et le courage n’en peut souffrir la cognoissance. Philemon, quy mouroit desjà d’amour pour Cloris, ayant entendu ce discours, fut bien ayse de trouver quelque couverture pour ne plus caresser Isabelle. Je suis, dit-il, tellement redevable à vostre franchise de l’advis que