Dernierement il rencontra
Dans les ruës ma femme seule ;
Subtillement il luy fouilla
Au devantier, ferrant la mulle.
Elle refusant, tout à l’heure
Il la battit si fermement,
Que devray j’ay peur qu’elle en meure,
Tant elle endure de tourment.
Elle est maintenant dans un lict
Quy tant soupire et se lamente,
Là où souvent elle me dict :
Je ne seray demain vivante,
Car cela par trop me tourmente,
Quy faict qu’en un lieu je ne puis
Durer : il faut que je m’absente
De ce bas monde où je suis.
Je te vay dire adieu, mon fils ;
N’en aie point la face blesme :
Je m’en iray en paradis
Voir la face du Dieu supresme,
Dont luy requiers, à toy de mesme,
Que, quand tu finiras tes jours,
Tu puisses voir son diadesme.
Je te dis adieu pour tousjours.
Ne le sçauroit-on pas trouver
Ce larron qu’est si excecrable,
Qu’est cause qu’au lieu de chanter
Je fay des regrets lamentables ?
N’est-il donc pas bien miserable ?
Je croy, c’est un loup ravissant,
Ou un corps que pris a le diable
Pour nous donner tant de tourment.