Page:Variétés Tome II.djvu/58

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

barbifie : de sorte que, la rivière quy servoit à son moulin n’estant plus qu’une eau de savon, les estrangers quy venoient à Paris la prenoient pour un fleuve de laict et se croyoient dans la terre promise ; mais les habitans de ce fauxbourg, quy prenoient plaisir à se divertir de leur erreur, les en tiroient enfin et leur apprenoient que c’estoit une eau de barbe quy couloit incessamment, ce quy fit qu’on nomma cet endroict Coule-Barbe9, et qu’on le nomme encore actuellement de même, et qu’il est toujours dans sa même situation, proche le clos Payen et le champ de l’Alouette, derrière la manufacture royale des Goblins.

Voilà precisement l’origine du moulin à barbe, quy n’est point du tout de l’invention de ce mathematicien anglois, quy n’est qu’un miserable plagiaire, un copiste maladroict et un mathematicien ideal.

Les revolutions arrivées dans le royaume les siècles passés furent cause que ce pauvre moulin fut detruict et devint moulin à bled au lieu de moulin à barbe qu’il estoit.

Quelques traditions quy ne sont pas des mieux fondées disent que l’auteur de nostre moulin à barbe eut le même sort que celuy quy feit l’horloge de Strasbourg, et que celuy quy avoit trouvé le moyen


9. C’est Croule-barbe qu’il faut dire, mais on doit pardonner à l’auteur d’avoir fait cette petite altération pour les besoins de sa facétie. Il existe encore, près du boulevart des Gobelins et de la Bièvre, la barrière et la rue Croulebarbe. Un moulin de ce nom s’y trouvoit vers 1214. Notre auteur, on le voit, est bien renseigné.