Page:Variétés Tome III.djvu/208

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prendre garde, et que cela procedoit d’une repletion d’humeurs qui lui faisoient faire telz songes horribles.

L’empereur de Turquie ne se pouvoit contenter de telle response, soustenant tousjours que cela lui presageoit quelque mal futur. Toutefois, vaincu de leurs belles remonstrances, il est contrainct de se contenter pour ceste fois et de les renvoier en leurs maisons. Ce jour fut passé assez melancoliquement par le grand seigneur, qui tousjours estoit triste et pensif. Le soir venu, il se coucha comme il avoit de coustume ; et, à pareille heure qu’il avoit faict ce songe le jour precedent, il en faict ceste seconde nuict encores un semblable, et y estoit d’abondant adjousté que le lion, après l’avoir mis nud, le foulle aux piedz et lui met la croix en la bouche, puis avec son flambeau brulle et redige en cendre le palais et le principal temple de Constantinople, luy redisant les premiers propos, à sçavoir : Ceci est la voye en laquelle tu doibs cheminer, sinon tu es perdu. L’empereur de Turquie, eveillé, se lève soudainement, comme il avoit fait le jour precedent, et envoie de rechef querir le grand pontife et ses compagnons. Eux venus en toute diligence, il leur reitère ce songe second, tout ainsi qu’il est cy-devant discouru, dont ils demeurent grandement emerveillez, doutant que cela signifiast quelque sinistre malheur à eux ou au païs. Toutes fois, aussi resolus que le jour precedent, ils taschent d’affronter le grand seigneur par une excuse semblable à la première, luy disant d’abondant qu’il ne se devoit soucier de tels songes ny mettre cela en sa teste ; qu’il estoit le plus grand seigneur de tout