Page:Variétés Tome III.djvu/209

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le monde, le plus riche, le plus redouté, et pouvant mettre de front deux cens mil hommes pour saccager ses ennemis, si aucuns s’eslevoient encontre sa grandeur inexpugnable ; et pour autant, qu’il ne se devoit soucier que de faire bonne chère et se donner du plaisir. Mais toutes ces piperies ne peurent contenter l’esprit de ce monarque, qui, d’un sourcil refroncé, avec fortes menaces, leur dit qu’il ne failloit point l’ensorceler de telles parolles follement inventées, et qu’il sçavoit très bien que Dieu, par tels songes, le vouloit advenir de quelque grande chose ; au moien de quoy il les interpelloit de luy dire sur-le-champ l’interpretation, si mieux n’aimoient perdre la vie. Ces pauvres mahommetistes, voiant l’empereur en telle collère, commencèrent à douter de leurs vies ; au moyen de quoy, pour adoucir son ire, se prosternèrent à ses genoux, et, après luy avoir demandé misericorde, s’excusèrent en ce qu’ils n’estoient pas bien fondez en l’astrologie, et que la divination leur estoit cachée, pour ne s’estre jamais amusez à telles estudes ; mais que, pour monstrer qu’ils ne desiroient qu’à luy porter obeissance comme à leur souverain seigneur, ils envoiroient querir certains sçavans philosophes et magiciens, qui luy interpreteroient de point en point les dits songes. Le grand seigneur, un peu appaisé, commande que deux des dits prestres de la loy iroient querir lesdits philosophes, et que cependant le grand pontife et les autres demeureroient en ostage soubs bonne et seure garde. Suivant ceste jussion, deux d’entr’eux sont deleguez, qui diligentent de telle façon que dans