Page:Variétés Tome III.djvu/237

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portent d’abisme en abisme et de Scille en Caribde ! Veux-tu joindre à ce rapt, à cet inceste, à ce sacrilége abominable, un homicide, un meurtre, un parricide execrable ? Veux-tu amasser le vol sur le viol, et te rendre voleur de sa vie aussi bien que violateur de sa pudicité ? Quoy ! faut-il que les lacs de tes bras, dont tu te pendois à son col, soyent maintenant deguisez en etoufans licols ? Veux-tu changer tes embrassemens en estranglemens, tes mignardises en cruautez, et ces mots de : Mon cœur et ma vie ! en ces termes : Meurs ! meurs ! il faut mourir ? Pourras-tu respondre d’une mine farouche et furieuse à ceste face aprivoisée par le temps, et maintenant si gracieuse ? Souffriras-tu d’un œil renfrongné ceste œillade, laquelle dissipoit tes ennuis et mettoit la joye et l’allegresse en ton ame ? — Que feray-je (repliquoit à soy-mesme), et quel moyen de cacher ma faute aux hommes ? — Miserable ! penses-tu la cacher à celuy qui tout oit et tout voit ? Mais penses-tu de te cacher à toy-mesme, et de faire que tu ne te trouves chez toy-mesme pour insupportable fardeau de la terre ? — Mais il ne m’en chaud9, pourveu que je puisse eviter la mort. — Si ne saurois-tu pourtant eviter les remords, qui te forgeront tous les jours mille espèces de mort en l’ame. Et puis penses-tu que la patience divine tiendra tousjours la main au sein, et que sa vengeance ne suive à la trace cette insupportable cruauté ? Ces discours et raisons commençoyent à le fleschir, lorsque quelqu’un, frappant à la porte, luy mist telle frayeur en


9. V., sur cette locution, une note de la pièce précédente.