Page:Variétés Tome III.djvu/329

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S’elle en espouse un jeune, en plaisirs et liesse,
En delices et jeux passera sa jeunesse,
Despendra son argent sans qu’il amasse rien.
Bien que sa femme soit assez gentille et belle,
Si aura-il tousjours quelque amie nouvelle,
Et sera reputé des plus hommes de bien.

Car c’est par ce moyen que l’humaine folie
A du grand Jupiter la puissance establie,
Pour ce que, mesprisant sa Junon aux beaux yeux,
Sans esclaver5 son cœur sous le joug d’hymenée,
Suivant sa volonté lasche et desordonnée,
Il sema ses amours en mille et mille lieux.

Et quoy ! voyons-nous pas qu’ils confessent eux-mesmes,
Si l’on se sent espris de quelque amour extrême,
Pour en estre delivre il se faut marier,
Puis, sans avoir esgard à serment ny promesses,
Faire ensemble l’amour à diverses maistresses,
Et non en un endroit sa volonté fier.

Si c’est quelque pauvre homme, helas ! qui pourroit dire
La honte, le mespris, le chagrin, le martyre
Qu’en son pauvre mesnage il luy faut endurer !
Elle seulle entretient sa petite famille,
Eslève ses enfans, les nourrit, les habille,
Contre-gardant son bien pour le faire durer.



5. Ce vieux mot, dont la perte est très regrettable, se trouve dans Montaigne (Essais, liv. 1, ch. 29). Desportes l’a employé dans les stances citées plus haut, ainsi que Ronsard dans son 49e sonnet :

Ni ses beautés, en mille cœurs écrites
N’ont esclavé ma libre affection.