Page:Variétés Tome III.djvu/330

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et toutes fois encor l’homme se glorifie
Que c’est par son labeur que la femme est nourrie,
Et qu’il apporte seul ce pain à la maison.
C’est beaucoup d’acquerir, mais plus encor je prise
Quand l’on sçait sagement garder la chose acquise :
L’un despend de fortune, et l’autre de raison.

S’elle en espouze un riche, il faut qu’elle s’attende
D’obeir à l’instant à tout ce qu’il commande,
Sans oser s’enquerir pour quoy c’est qu’il le fait.
Il veut faire le grand, et, superbe, desdaigne
Celle qu’il a choisie pour espouze et compaigne,
En faisant moins de cas que d’un simple valet.

Mais que luy peut servir d’avoir un homme riche,
S’il ne laisse pourtant d’estre villain et chiche ?
S’elle ne peut avoir ce qui est de besoin
Pour son petit mesnage ? Ou si, vaincu de honte,
Il donne quelque argent, de luy en rendre compte,
Comme une chambrière, il faut qu’elle ait le soin.

Et cependant monsieur, estant en compagnie,
Assez prodiguement ses escus il manie,
Et hors de son logis se donne du bon temps ;
Puis, quand il s’en revient, fasché pour quelque affaire,
Sur le sueil de son huis laisse la bonne chère6.
Sa femme a tous les cris, d’autres le passe-temps.

Il cherche occasion de prendre une querelle,
Qui sera bien souvent pour un bout de chandelle,


6. C’est-à-dire bon accueil, bon visage. Chère, qui vient de l’italien chiera (mine), ne s’employoit pas alors dans un autre sens.