Page:Variétés Tome IV.djvu/10

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Escoutez ma parole, ô mortels esgarez12,
Quy dans la servitude aveuglement courez,
Et voyez quelle femme au moins vous devez prendre :
Si vous l’espousez riche, il vous faut13 preparer
De servir, de souffrir, de n’oser murmurer,
Aveugle en tous ses faictz et sourd pour ne l’entendre.

Le plus grand malheur que puisse avoir un homme qui desire avoir l’esprit tranquille et en repos, c’est de prendre une femme qui luy mettra à tous propos sur le tapis les moyens et commoditez qu’elle luy aura apporté, afin que, par ces reproches que journellement elle luy fera, jouer au pair, et tirer au court baston quand besoing en sera, ce quy contraindra le pauvre Job de faire le muet, comme vous entendrez cy après en ces vers.

Desdaigneuse et superbe, elle croit tout savoir14 ;
Son mary n’est qu’un sot trop heureux de l’avoir ;
En ce qu’il entreprend elle est toujours contraire,
Ses propos sont cuisantz, hautains et rigoureux.
Le forçat miserable est beaucoup plus heureux
À la rame et aux fers d’un outrageux corsaire.

C’est de pareilles femmes que l’on tient ce discours : que la poulle chante ordinairement devant le coq15. De mesme, donnez un pied d’advantage à


12. C’est la 16e stance de Des Portes.

13. Var. : il se faut.

14. 15e stance de Des Portes.

15. Encore un proverbe dont Molière a donné une variante, mais cette fois très opposée :

La poule ne doit pas chanter devant le coq.
——————Les femmes sçavantes (act. V, sc. 3).