Page:Variétés Tome IV.djvu/224

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Cela dit, il le chasse, et neantmoins Gaultier
S’efforce de monstrer des traits de son mestier
En chantant et dansant, mais enfin se retire,
Voyant que de ses tours l’huissier ne vouloit rire.
Après avoir erré mille detroits nombreux,
Il se treuve au palais où tous les malheureux
Vont comparoir devant les majestez sublimes
De ces trois presidens qui condamnent les crimes.
Les sergens conduisoient un mechant garnement
Devant le sieur Minos pour avoir jugement.
Le fou, qui vit cela, sentit son ame atteinte
En ce mesme moment de froideur et de crainte,
Car le juge leur dist : Je croy que vous rêvez ;
Pourquoy n’amenez-vous ces autres reprouvez ?
Veux-je pas à chacun prononcer sa sentence
À la proportion de son enorme offence ?
Ce fut là qu’en fuyant nostre pauvre Gaultier
Monstra qu’il n’estoit pas le fils d’un savetier.
Avoit-il pas grand tort de passer les devises,
Puis que les champs heureux à ses fautes remises
N’estoient pas deniez ? La curiosité
Apporte bien souvent de l’incommodité :
Il le reconneut bien, car il jura dès l’heure
De ne retourner plus où le juge demeure.
Quand il fut arrivé dans ces prez où les fleurs
Conservent à jamais l’eclat de leurs couleurs,
Où cent flots argentez arrosent les herbages,
Où l’air purifié n’a jamais de nuages,
Et où l’on ne voit point changement de saison
Dans l’ordre qu’y fait voir l’eternelle raison,
Il se coucha tout plat sur l’herbe et les fleurettes,
Mais il tesmoigna bien, par mille chansonnettes,