Page:Variétés Tome IV.djvu/232

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terre et un demy-seinct de plomb, rien de tout cela, car tu n’es plus un enfant. De te donner de l’argent monnoyé, non, car c’est en manière d’aumosne à des pauvres gens.

De t’estrener aussi d’abits, demy-ceint d’argent, d’anneaux, de bagues et joyaux, tout beau ! je n’y vois goutte en ceste grande perplexité d’esprit. Je me suis advisé que, si je te faisois estreine, il falloit qu’elle fust pour toute ta vie, sans recommencer si souvent : car je te diray en passant que ce n’est guère ma coustume de donner ; toutesfois, ma bource en est toute grasse et usée.

Mais aussi de te faire un don si signallé que je te donnasse tout ce que tu aurois besoin tout le long de ta vie, hé ! il me faudroit aller aux Indes querir de la terre à Bertran6 pour y satisfaire. Joint que, quand j’aurois le Mont-Senis en ma possession aussi couvert d’or comme est de neige cest yver, cela n’y feroit rien.

Car pour tout l’or du monde l’on ne peut acheter la santé, le bonheur, l’amitié et autres choses necessaires à la vie. Hé ! quoy doncques ! seray-je frustré de mon dessein ? Non, ce dit ma raison ; d’autant que tout ce qui ne se peut effectuer par nostre pouvoir, sans le pouvoir d’autruy, se doit parfaire par prières et souhaits. C’est pourquoy je t’ay composé ceste estreine, toute pleine de prières, de desirs


6. L’or. — Ne l’appeloit-on pas ainsi parceque l’Inde, contrée de l’or, étoit aussi le pays des singes, auxquels, selon Ménage, on étoit d’usage de donner le nom de Bertrand ?