La troisième Voisine.
Jesu ! Madame, je ne sçay comment vous parlez ainsi ; il faut qu’il y ayt de vostre faute ; les bonnes femmes font les bons hommes. Il faut dire : « J’en ai un qui est bon, mais si je faisois comme j’en voy qui font, il ne me seroit pas meilleur qu’un autre. »
La première Voisine.
Hen, Madame, il faut dire : « Vous cognoissez bien le vostre, mais vous ne cognoissez pas celuy aux autres. » En voilà une de nos voisines qui a bien à souffrir, la pauvre jeune femme ! Je vous promets qu’avec sa grande jeunesse elle supporte bien du sien ; depuis qu’elle est en mesnage, elle n’a pas mangé tout ce qu’il luy a donné, il s’en faut de bons coups. Elle ne manie pas un double, et si il faut qu’elle face bonne mine en mauvais jeu.
La seconde Voisine.
Quand a de moy, je faits plus souvent de mine que je n’ay d’argent. Mais quoy ! quand je m’en iray plaindre à nos voisins, qu’est-ce qui m’en fera raison ? Ô bien j’y suis, je l’ay voulu : où la chèvre est liée, il faut qu’elle broute[1]. La, la, je voulois
- ↑ C’étoit alors un proverbe dont nous avons déjà trouvé une variante (t. IV, p. 9). Molière l’a employé, tel qu’il est ici, à la scène 3e du 3e acte du Médecin malgré lui. G. Bouchet avoit dit, dans sa 3e sérée : « Et ne faut point faire du cholère ou mauvais, car là où la chèvre est attachée, il faut qu’elle broute : c’est-à-dire que le mal qu’on a avec sa femme est domestique et nécessaire. »