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Page:Variétés Tome IX.djvu/320

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entre la nature et l’utilité, entre les discours du monde et l’experience qu’il avoit de la capacité de son ministre. Dans cette perplexité, il voulut si absolument que mon père lui en dist son avis, que toutes ses excuses furent inutiles. Outre la bonté et la confiance dont il luy plaisoit de l’honorer, il savoit très bien qu’il n’avoit ny attachement, ny eloignement pour le cardinal, ny pour la reyne, et qu’il ne tenoit uniquement et immediatement qu’à un si bon maître, sans aucune sorte d’intrigue ny de parti10.

Mon père fut donc forcé d’obeir. Il m’a dit que, prevoyant que le roy pourroit peut-être le faire parler sur cette grande affaire, il n’avoit cessé d’y penser depuis la sortie de Luxembourg jusqu’au moment que le roy avoit rompu le silence dans son cabinet.

Il dit donc au roy qu’il etoit extrêmement fâché de se trouver dans le detroit forcé d’un tel choix ; que Sa Majesté sçavoit qu’il n’avoit d’attachement de dependance que de luy seul ; qu’ainsi, vuide de tout autre passion que de sa gloire, du bien des affaires, de son soulagement dans leur conduite, il


10. Saint-Simon, toutefois, avoit déjà prouvé qu’il étoit dévoué au cardinal. Quand on avoit été sur le point de désespérer des jours du roi, c’est à lui que Richelieu s’étoit confié pour se tirer du péril dans lequel cette mort pourroit le jeter. « Le cardinal, dit Leclerc, pria Saint-Simon, grand-écuyer, qui ne bougeoit d’auprès de la personne du roi, de porter Sa Majesté à avoir quelque soin de son premier ministre. » (Vie d’Armand-Jean, cardinal-duc de Richelieu, 1724, in-12, t. II, p. 98.)