Page:Variétés Tome IX.djvu/364

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fera foy. Un honneste homme, chirurgien de son art, nommé Jacques de la Cressonnière, natif de Boiscommun, avoit commencé sa fortune avec feu monsieur de Bordeaux, au service duquel il avoit amassé quelque chose ; de là en après il s’engagea à celuy du feu chevalier Garnier, qui est mort gouverneur de Toulon, ville frontière de France et de Savoye, et un port de mer d’importance ; de sorte qu’il fut avec luy en Catalogne à la prise de Rose, et de là au siége d’Orbitello, à la prise de Portolongone et de Piombino, où moy-mesme qui escris avec larmes, et non sans estonnement, l’accident funeste de sa deplorable mort, l’ay veu mille fois et conversé avec luy civillement et honnestement. Cet homme donc retourné de tous ces voyages, après avoir rendu les derniers devoirs à son bon maistre, vint à Paris, où desjà dans quelques autres rencontres il avoit contracté affection avec quelque sage fille dans l’esperance d’un legitime mariage ; et comme ses amis le jugeoient sur le point de s’engager dans les liens de l’hymenée, le bruit couru que luy-mesme, par un desespoir estrange, s’estoit rendu esclave des demons et captif de la mort, laquelle fut approuvée de la justice comme violentée, et pour ce son cadavre condamné d’estre privé de sepulture en terre saincte2. Or beaucoup allèguent plusieurs raisons de s’estre ainsi donné la mort : les uns disent qu’ayant somme d’argent, il l’avoit donnée à garder à un pro-


2. Sur les procès faits aux suicidés et sur les peines infligées à leurs cadavres, V. t. VI, p. 63.