Page:Variétés Tome V.djvu/165

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aller aucun navire où il y ait point de fer, car les pierres qui sont au fons le saperoient et tireroyent au fons12. En ceste dicte ysle a des oyseaulx grans comme oes, et, quant ilz sont nourriz et quils peuvent voler, le père et la mère en chassent une partie, et par dueil qu’ils ont ils volent si hault que le soleil les cuyt et tue13 ; et puis quant ils sont cheuz on les menge, et est très bonne viande, et en y a si grant nombre quilz en sont au dit pays tous reffais.

Item, au mont de Tripho, en la partie orientalle, nous avons veu ung chasteau fait d’esquailles de gouffiques et une roche de fin or d’un costé, et d’autre costé tout de cristal ; de la quelle montaigne on ne voit point le couppel14, et de grosseur tout entour deux lieues, et au couppel de cette dicte roche a un oysel que est plus grand que six griffons15, le quel mengue tous les jours de trois à quatre beufz ; et n’est homme qui se osast trouver sur terre en ces contrées à l’heure de sept ou de huyt, qu’il va re-


12. Tradition orientale qui se trouve dans les Mille et une Nuits (histoire des Trois Calanders).

13. C’est ce qui arrivoit au phénix, d’après la légende de Prestre Jehan : « S’en monte vers le ciel sy près du soleil, tant que le feu se prent à ses helles, et puis descend en son nid et se art. »

14. Coupeau, sommet.

15. Dans la zoologie fantastique de tous les peuples se trouve un oiseau gigantesque comme celui dont on parle ici. Les Indiens ont le garouda, les Arabes ont le rokh, dont les Mille et une Nuits content tant de merveilles. « Un jour, lit-on dans la 74e nuit, il s’abattit sur un rhinocéros qui venoit d’éventrer un éléphant d’un coup de corne, et il emporta dans ses serres le vainqueur et le vaincu. »