Page:Variétés Tome V.djvu/183

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Le pescheur ne pourroit sans eux tenir sa ligne
Dessus les froides eaux, alors que le poisson
Lubre13 ne peut nager à cause du glaçon
Qu’il rencontre à tous coups ; ou si d’un bon courage
Ils s’en alloient sans gands à leur penible ouvrage,
Outre qu’ils ue pourroient besongner à demy,
Sans cesse estant frappés par le froid ennemy,
Les doits leur gelleroient, et les deux mains lassées
Ils auroient à tous coups en hyver crevassées,
Où c’est que chaudement du gand nous nous servons
En chose qui que soit, car nous en escrivons
De la prose et des vers, ayant la main delivre14 :
Gantez nous feuilletons un grec ou latin livre,
Nous taillons bien la plume avec le canivet15,
Parmy d’autres papiers nous cherchons un brevet.
Une femme gantée œuvre en tapisserie,
En raizeaux deliez et toute lingerie.
Elle file, elle coud, elle fait passements
De toutes les façons, ayant en main ces gands
Que l’on nomme coupés16, gands autant necessaires



13. De lubricus, glissant.

14. C’est-à-dire agile, en liberté. On disoit plutôt encore à delivre, comme dans cette phrase de la 124e nouvelle de Despériers : « N’ayant la langue si à delivre pour se faire entendre. »

15. Le canif. (V. notre t. 1, p. 217.)

16. C’est ce que nous appelons aujourd’hui des mitaines, mot qui autrefois étoit synonyme de mouffle, et qui, au lieu de désigner ces demi-gants de femme, s’employoit pour ces gros gants fourrés qui n’avoient qu’une séparation entre les quatre doigts réunis et le pouce. Ces sortes de gants se vendoient chez les bonnetiers, qui, pour cela, se faisoient appeler mitonniers. (V. le