Est-ce vous qui venez ici pour apprentif ?
— Ouy, Monsieur. À ces mots, la main il me presente
Et me fait compliment sur ma force apparente.
Quel compère ! dit-il ; vous suffirez à tout,
Et des plus lourds fardeaux seul vous viendrez à bout.
Portez donc ce papier, et le rangez par piles.
Moy, qui sens mon cœur foible et mes membres debiles,
Je ne veux pas d’abord chercher à m’excuser,
De peur que de paresse on ne m’aille accuser ;
Je m’efforce, et, ployant sous ma charge pesante,
Chaque pas que je fais m’assomme et m’accravante4 ;
Je monte cent degrez chargé de grand-raisin5 ;
J’en porte une partie au plus haut magazin.
Et, pour le faire entrer dans une etroite place,
Avec de grands efforts je le presse et l’entasse.
N’ayant encore fait ma tâche qu’à demy,
J’entends crier d’en bas : Holà donc ! eh ! l’amy !
Je descends pour sçavoir si c’est moy qu’on appelle.
Ouy, dit le prote, il faut allumer la chandelle.
— Où l’iray-je allumer ? — Attendez, me dit-il,
Je m’en vais vous montrer à battre le fusil.
En deux coups je fais feu. Bon, vous êtes un brave ;
Bon cœur ! vous irez loin. Descendez à la cave.
Quand vous aurez remply de charbon ce panier,
Vous viendrez allumer du feu sous le cuvier.
Tout fatigué dejà d’un si rude martire,
Je commence à me plaindre, à jurer et maudire.
quelquefois proto. C’est avec cette orthographe qu’il se trouve dans le Mascurat de G. Naudé, in-4, p. 7.
4. M’accable. V. sur ce mot, alors très suranné, notre t. 3, p. 230.
5. Format de papier au-dessus du carré.