Page:Variétés Tome V.djvu/233

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Ont de si beaux palais bâtis à nos depens.
Le mal est que jamais cette gent de corsaires
Ne daigne d’un seul liard me payer mes salaires.
J’ay beau, pour les servir, employer tout mon soin,
Leur cœur est toujours dur et ne s’attendrit point.
Souvent crotté, mouillé, jusques aux jarretières,
Je reçois sur mon dos les torrens, les goutières ;
Et, ne portant jamais casaque ni manteau,
Pour abri je detrousse et rabats mon chapeau.
Quiconque me verroit en ce triste equipage,
Me prendroit pour un diable arrivant du pillage.
Mais, malgré tout cela, si je reviens de jour,
On m’occupe aussi-tost que je suis de retour.
Si quelque compagnon, ennuyé de m’attendre,
À l’un des magazins est monté pour etendre,
À jeun ou non à jeun, je cours le relever ;
Je me depêche à force et suis prest d’achever,
Quand le prote, brûlant d’une ardeur brusque et promte,
M’appelle pour aller commander une fonte.
Du fondeur il m’envoye au marchand de papier,
Du marchand de papier chez le parcheminier.
De cruches, de balays, c’est moy qui fais emplette ;
S’il faut un seau, de l’huile, il faut que j’en achète.
Loin de pouvoir sur rien le teston accrocher,
En y mettant du mien j’achète encor trop cher.
Parmy tant de rigueurs, si, me fixant ma tâche,
On me donnoit par jour quelque heure de relâche,
Je benirois le ciel au milieu de mes maux ;



avoient en effet été envahis par les traitants. Le plus vaste, celui que le ministère de la justice occupe aujourd’hui, étoit habité par Bouvarlais.