Page:Variétés Tome V.djvu/253

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La Jeune.

Est-ce assez m’expliquer ?Vous raisonnez si bien
Qu’au plus subtil esprit vous ne cedez en rien.

La Vieille.

Vous avez vu ma chambre : est-elle bien ornée ?

La Jeune.

Oui, vraiment.

La Vieille.

Oui, vraiment.J’ai gagné dans le cours d’une année
La table, le fauteuil, les chaises et le lit,
Sans que l’on m’ait jamais prise en flagrant delit.
Chez les gens que je sers, pendant tout le carême
Je dispose de tout, j’achète tout moi-même.
C’est alors qu’à gagner je travaille d’esprit ;
Rien n’est jamais pour moi trop vil ou trop petit :
Je tire du profit des moindres bagatelles,
Et j’amasse avec soin jusqu’aux bouts de chandelles ;
Huile, sel et charbon, je mets tout de côté.
Sçachez que quelquefois, dans la necessité,
Telles provisions sont d’un secours utile,
Et telles tous les jours manquent d’argent, d’azile,
Qui, pour n’avoir pas pris cette precaution,
Languissent tristement hors de condition11.


11. On ne souffroit pas que les domestiques fussent sans place. Toute fille de chambre trouvée sur le pavé étoit fustigée, et on lui coupoit les cheveux. Les valets en pareil cas étoient attachés à la chaîne et mis en galère. V. Traité de la police, tit. 9, chap. 3.