Page:Variétés Tome V.djvu/341

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plus part, de quels bois faire flesche. Vous les distinguerez facilement, si vous voulez les escouter un moment, par les raisons qu’ils apportent, ou plustost les injures qu’ils se chantent les uns aux autres.

Cet entretien fut interrompu par un grand cry qui s’esleva dans la troupe, qui fut suivy d’une risée generale. Un meusnier qui s’estoit eschauffé dans la dispute avoit laissé son mulet derrière luy, chargé de deux sacs de farine. Quelque matois, se servant de l’occasion, ayant percé le sac, en tira secrettement une bonne partie, et se retira finement après avoir fait son coup. Le meusnier, en estant adverty par quelques uns qui voyoient encor couler la farine par le trou, s’escria qu’il estoit volé ; sur quoy la femme d’un solliciteur, qui s’escrimoit fort et ferme de la langue et qui n’en eust pas donné sa part au chat, luy dit en le raillant : Ha ! qu’il est bien employé ! C’est, par mon ame, pain benist ; il est bon larron qui larron desrobe. Vrayment, le voilà bien malade ! Quand on lui en auroit pris vingt fois davantage, il sauroit bien où le reprendre. Les premières moutures en pâtiront sans doute. — À qui en a cette double masque ? luy replique le meusnier ; t’ay-je jamais rien derobé ? Si tu avois fait les pertes que j’ay fait, tu n’aurois pas le caquet si affilé. J’ai perdu six asnes, Messieurs, et quatre mulets, quand les grandes eaux emportèrent les moulins8, et cette chienne me viendra reprocher encore


les meuniers mettent le son. À l’homme ruiné qui n’a plus de pain sur la planche, il ne reste que la ressource d’aller au berniquet.

8. Les moulins qui étoient amarrés sous le pont au