Page:Variétés Tome V.djvu/39

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Il est mort, mes amis. Tenez, voilà la lettre qu’on me vient d’aporter tout presentement. Trois honnestes hommes, qui m’ont apporté cela, m’ont dict qu’ils l’avoient aydé à le porter en terre. Pensez-vous quel crève-cœur j’ay, pensez-vous, de l’avoir nourry et eslevé si grand, pensant, après son père, en avoir sur la fin de mes jours quelque soulagement ! Et je n’ay plus personne ! me voilà toute seule ! Qu’est-ce qu’on dira de moy ? On tiendra plus de conte d’un chien que de moy, à present. — Non fera, non fera, ma voisine ; il y a long temps que je vous cognoissons ; ne vous tourmentez point, cela vous feroit mourir. C’est un homme mort : il en meurt bien d’autres.

— C’est mon… c’est mon… Il en meurt bien d’autres qui n’en peuvent mais ; ces diables de Rochelois, ils ne s’en soucyent point de tuer le pauvre monde. Que ne sont-ils tretous pendus, ou qu’il me rende la ville ! Faut-il tant faire mourir de braves hommes ? Si j’en tenois quelqu’un, il payeroit la mort de mon enfant.

La lettre envoyée à la mère du Chappelier
par son fils premier que mourir.

Ma très chère et très grande amie ma mère, ces paroles icy ne vous seront guères agreables : car, depuis le temps de mon depart, je n’ay pas eu le soing de vous escrire seulement un seul mot, d’autant que la peine où j’estois arresté m’a si bien desobligé, le contentement de votre presence, où la memoire les oublie ; vous pourrez pourtant prendre ce petit mot aussi bien en gré comme si mille fois vous eussiez eu de mes nouvelles ; et si les pretentions de la mort ne me fussent point ap-