Page:Variétés Tome V.djvu/66

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Quand on chaumoit les cereales5,
Les aousterons6 portoient des œufs,
Et crioit-on malheur sur eux
S’ils les laissoient cheoir par mesgarde.
Le proverbe encore se garde
Qu’on dit aujourd’huy : « Garde bien
« De casser vos œufs7 ! N’est-ce rien
Doncques de l’œuf ? Il a puissance
De chasser toute la nuisance
Qu’apportent les mauvais esprits,
Si nous croyons les vieux escripts
De l’antiquité, de manière
Que c’estoit chose coustumière,
Par entre eux se voulant purger,
De se faire suffemiger
Avecque la vapeur du souffre ;
Le demon impur ne la souffre ;
Il la fuict et crainct son odeur.



5. C’est-à-dire quand, après la moisson, l’on faisoit avec le blé fauché ces grandes meules qu’on appelle chaumiers dans la Beauce.

6. Moissonneurs, ceux qui font l’aoust.

7. S’il falloit se bien garder de casser un œuf plein, il falloit aussi se hâter de le briser sitôt qu’on en avoit vidé la coque. C’étoit un usage sacré chez les Romains (Pline, liv. 28, ch. 2), et que nous avons conservé comme simple règle d’étiquette : « Après votre soupe, que mangeâtes-vous ? dit l’abbé Delille à l’abbé Cosson dans la fameuse conversation qu’a rapportée Berchoux. — Un œuf frais, répond l’autre. — Et que fîtes-vous de la coquille ? — Comme tout le monde, je la laissai au laquais qui me servoit. — Sans la casser ? — Sans la casser. — Eh bien ! mon cher, on ne vide jamais un œuf sans briser la coquille. » (Notes du poème la Gastronomie.) Grimod de la Reynière (Almanach