Page:Variétés Tome VI.djvu/161

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Voilà comment, ô Muse très acorte !
Les pauvres sont mengez de telle sorte
Que bien souvent le pauvre d’aujourd’huy
Nourrit le riche, et meurt de faim chez luy !
En faisant vendre et le fonds et les meubles
Des pauvres gens, ces gros mangeurs de peuple
Ne croyent pas qu’en ce bas univers
Nous devons tous estre mangez des vers.
Un autre mal, en ces personnes cautes,
C’est qu’ils n’ont guère, en confessant leurs fautes,
Le cœur contrit, ny l’ame en son bon poinct,
D’autant qu’après ils ne s’amendent point.
Pour mon regard, le manquer de promesse
En cet endroit me fait trembler sans cesse,
Et m’en fera, jusqu’au bout de mes jours,
Hayr la cause et les mondains sejours.
Pour ne voir donc le sergent qui emporte,
Après moisson, du pauvre la recolte,
Ny ces brouillons, riches comme bourgeois,
Estre le fleau des pauvres villageois,
Ny l’officier qui sans argent doit rendre
Justice à tous, de tous ne fait que prendre,
Ny l’hypocrite en ses devotions,
Son corps au temple et l’ame aux passions ;
Ny bonneter21, soubs la fausse apparence
D’un bel esprit, le vice et l’ignorance ;
Ou, en un mot, pour ne voir plus du tout



21. Saluer, tirer le bonnet. On lit dans Regnier, satire 8, vers 175 :

Voyant un président qu’il étoit necessaire
D’estre toujours après ces messieurs bonneter.