Page:Variétés Tome VI.djvu/281

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voyant mes moustaches relevez, fuira devant moy. Guara, guara gli signor Picotin ! Tu seras maistre de Milan, tu mesureras le velours à la picque. Çà, qui en veut achepter ? Envoyez-moy des marchands, j’en feray bon marché. Toutes les villes seront à toy, te voilà maistre du païs. Ha ! les belles signore qui seront à ton commandement ! À la guerre, à la guerre, Picotin !

Mais je pensois puis après d’autre sorte. Où vas-tu, Picotin ? Tu t’en vas à la guerre, tu n’as point d’argent, on n’en reçoit point : comme feras-tu pour t’entretenir et tes compaignons ? Faudra se curer les dents à la napolitaine : un peu de pain seulement, et bien souvent point ; tes souliers finis, faut marcher sur la chrestienté3. Nuict et jour, couché sus la dure, à la pluye, aux vents, aux orages, l’ennemy en teste, il se faut battre ; on tue, on estropie, l’on ne regarde à qui l’on donne, l’on ne prefère personne. Que diable est cela ? Alte, alte, Picotin ! je me donne à cinq cens mil pistoles des plus belles et pesantes qui soient dans le Curial4 de Madrid si je vas à la guerre !

Mais quoy ! capitaine Picotin, tu as esté tousjours si vaillant, jamais il ne t’a manqué de valeur, et maintenant que le grand Turc veut attaquer les Maltois5, perdras-tu courage ? Nenny, nenny. Où sont-


3. C’est-à-dire sans semelle aux souliers, et par conséquent nu-pieds, comme les premiers chrétiens.

4. L’Escurial.

5. Ces projets d’expédition du sultan Achmet ler contre Malte n’eurent pas de suite.