Page:Variétés Tome VI.djvu/336

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Le Soldat.

Celuy qui faict mal n’est jamais asseuré, ains tremble à la moindre haleine de vent et au mouvement des feuilles des bois ; il est tousjours bourrellé en sa conscience, et cuide tousjours estre suivy d’un prevost des mareschaulx, tellement que ce soucy luy sert continuellement de gibet, lequel il ne peut quelque jour eviter ; mais celuy qui ne faict mal, qui ne sent sa conscience chargée d’aucun meffaict, est ferme et asseuré comme le roc et va par tout la teste levée, sans craindre d’estre repris de justice. Ainsi, tandis que la guerre a duré, j’ay porté les armes, suivant le party auquel Dieu m’avoit appellé. Maintenant que la paix est retournée visiter cette pauvre France, je les vay pendre aux pieds de ceste deesse en luy tenant ce propos :

« Ô sacrée et heureuse paix8, qui tant de fois as


8. La prière du Paysan françois à Henri IV, au sujet de la paix, n’est pas moins vive que celle de ce soldat. « C’est donc la paix, dit-il, p. 8, que je viens non pas vous demander, car nous l’avons, mais recommander, afin qu’elle soit longue en durée, profonde en repos, large en estendue ; que ces charrues que vous voiez à vos pieds, par le moien des quelles vous et vostre peuple mangez du pain ; ces houes par l’employ des quelles vous beuvez du vin, soient longuement et continuellement mises en action, sans estre converties et appliquées à autres usages qu’à ceux pour lesquels elles ont esté charronnées et forgées. Prou de temps a passé au quel ces coultres ont esté esmoulus en épieux, ces socs en hallebardes ; un autre est venu, par le bonheur et justice de vos armes, auquel ces mesmes espieux et hallebardes doivent retourner en socs et en besches. »