Page:Variétés Tome VI.djvu/335

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Le Marchand.

C’est très bien faict de vous en aller de bonne heure, avant que la necessité vous presse, et de vous mectre en train d’exercer l’estat auquel il a pleu à Dieu vous appeller. À ce propos, je veux vous amener l’exemple d’un certain capitaine hardy et vertueux, et ayant assez bien faict en ces dernières guerres, lequel (comme je disoy) ne s’est, tant s’en faut, descogneu, bien qu’il feust en credit et eust accoustumé d’estre richement habillé, que mesmes il n’a faict difficulté de laisser le coutelas et la targe pour prendre les instrumens de son mestier, et a adverty un mien amy qu’il estoit tout prest de s’en servir toutesfois et quantes qu’on le voudroit employer.

Le Soldat.

J’ay autresfois esté à l’escole, et cognoy bien par l’histoire que c’est là le propre d’un homme sage de s’accommoder au temps. Les grands seigneurs rommains appellez à quelque expedition de guerre n’en faisoyent pas moins lorsqu’ils estoyent de retour en leurs maisons, car on lit que volontiers ils retournoyent au soc et à la charrue, où ils avoyent esté trouvez devant embesognez par ceux qui les alloyent querir à une si honorable charge.

Le Marchand.

Ô ! que vous dites bien ! Pleust à Dieu que chascun feust aussi advisé que vous ! Nous n’aurions que faire de craindre sur les champs et ne serions pas tant en danger de tomber entre les mains des brigans que nous sommes.