Page:Variétés Tome VII.djvu/154

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qui est le peuple infini qui, depuis le dit temps, s’est multiplié en iceluy, depuis que les guerres civiles d’entre les maisons d’Orleans et de Bourgongne furent assopies et que les Anglois furent rencoignez en leur isle. Auparavant, à cause des dites guerres, qui durèrent plus de deux cents ans, le peuple estoit en petit nombre, les champs par consequent deserts, les villages despeuplez, et les villes inhabitées, desertes et despeuplées. Les Anglois les avoient ruinées et saccagées, bruslé les villages, meurtri, tué et saccagé la plus grande partie du peuple, ce qui estoit cause que l’agriculture, la trafique30 et tous les arts mechaniques cessoient. Mais depuis ce temps-là, et la longue paix qui a duré en ce royaume jusques aux troubles qui s’y sont esmeuz pour la diversité des religions, le peuple s’est multiplié, les terres desertes ont esté mises en culture, le païs s’est peuplé d’hommes, de maisons et d’arbres ; on a defriché plusieurs forests, là des terres vagues ; plusieurs villages ont esté bastis, les villes ont esté peuplées, et l’invention s’est mise dedans les testes des hommes pour trouver les moyens de profiter, de trafiquer et d’avoir de l’or et de l’argent.

De ces commoditez donques est venue en France l’abondance de l’or et de l’argent, qui apporte la cherté ; car, comme l’or et l’argent des estrangers


30. Ce mot étoit alors du féminin. La citation donnée dans la note précédente en est un exemple. On lit aussi dans Des Periers (conte XI) : « Une jeune femme… fut mariée à un marchand d’assez bonne traficque. »