Page:Variétés Tome VII.djvu/340

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l’on avoit bati une chambre de bois, tapissée de velours rouge cramoisi à feuillages, le fond étant d’or. Dans le même bateau il y avoit une antichambre de même façon ; à la proue et au derrière du bateau il y avoit quantité de soldats de ses gardes portant la casaque d’écarlate, en broderie d’or, d’argent et de soie, ainsi que beaucoup de seigneurs de marque. Son Eminence étoit dans un lit garni de taffetas pourpre. Monseigneur le cardinal de Bigni et messieurs les evêques de Nantes et de Chartres y étoient avec quantité d’abbés et de gentilshommes en d’autres bateaux ; au devant du sien, une frégate faisoit la découverte des passages, et après montoit un autre bateau chargé d’arquebusiers et d’officiers pour les commander. Lorsqu’on abordoit en quelque île, on mettoit des soldats en icelle pour voir s’il y avoit des gens suspects, et, n’y en rencontrant point, ils en gardoient les bords, jusques à ce que


Le cardinal se hâtoit d’en profiter, et il entraînoit ses deux captifs vers Lyon, où le chancelier, muni des preuves de leurs intelligences avec l’Espagne, préparoit déjà leur procès. Rien n’avoit pu arrêter l’implacable ministre. Le mal qui le dévoroit, et dont une des pièces précédentes vous a dit le détail, ne fut pas un obstacle pour lui. « Ne pouvant souffrir ni litière ni carrosse, dit Monglat, ibid., p. 390, il vouloit remonter le Rhône jusqu’à Lyon, ce que personne n’avoit jamais entrepris, à cause de la rapidité du fleuve. Il ne laissa pas de s’y embarquer, et avoit si peur que les prisonniers ne se sauvassent qu’il fit attacher le bateau où ils étoient au sien, et les mena en triomphe jusqu’à Lyon, pour être sacrifiés à sa vengeance. Il ne faisoit que deux lieues par jour, tant l’eau étoit rapide. »