Bien que Guillery je fusse plongé en ce desespoir et en ce dernier despit, comme fort robuste et redouté, je me trouvay assisté de beaucoup de gens qui attachèrent leur vie et leur fortune au mesme hazard que la mienne, où ramassant l’escume de toute la haute et basse Bretagne, Poictou et autres pays ; je me trouvay accompagné de plus de quatre cens hommes, tous de faict et de mise5.
Mais vous autres estes trop lasches et gourmands ; vous avez la peau trop tendre pour l’estendre si loing et pour attirer à vous tant d’adjoints ; vous ne voulez pas tant de suitte pour faire vos pilleries ; aussi auriez-vous peur que le butin de vol ne fût assez ample ; si vous estes seulement douze ou quinze d’une bande après la maison de quelque laboureur, vous entre-mangez encore, comme chiens et chats et villains, à qui montera le premier dessus la fille ou la chambrière de la maison et à qui aura la bourse. Au diable soit la canaille ! On en pendra tant !
Quant Guillery j’estois, je me rangeay premierement dans la forest de Machechou en Ray, où je dressé ma puissante forteresse pour la retraicte seure de moy et des miens au retour de nos chasses.
Mais pour vous, vous n’avez pour retraictes bien seures que la campagne et quelques meschantes tavernes, où vous arrivez aujourd’huy en l’une, demain en l’autre, sans prendre garde si les prevosts ne vous suivent point. Ô frères, vous estes trop
5. C’est à peu près ce qu’on lit textuellement dans la pièce de notre t. 1er, p. 294.