Page:Variétés Tome VII.djvu/77

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Mais vous, nouveaux picoreurs8, vous ne vallez rien que pour piller le bon homme, que pour destrousser les marchands et rançonner le monde. Allez, la corde à telles gens que vous, qui n’avez du courage que contre un homme seul. Guillery, de son temps, ne vouloit à sa suitte de si lasches poltrons.

Quand je trouvois quelqu’un parmy les chemins, je luy demandois où il alloit, d’où il venoit et quel il estoit ; je m’enquestois en suitte des finances qu’il avoit, et, après l’avoir fouillé et particulierement visité, si je ne luy trouvois argent suffisamment pour accomplir son voyage, je luy en donnois du mien ; s’il en avoit plus qu’il n’en avoit besoin pour achever son chemin, nous le comptions et partissions


pour devise, qu’ils avoient affichée en plusieurs arbres de grands chemins : Paix aux gentilshommes, la mort aux prevosts et archers et la bourse aux marchands. Ce qu’ils ont réellement exécuté maintefois, ayant tué tous les prevosts et archers qui estoient tombés entre leurs mains et devalisé les marchands. En sorte que, dans ces derniers temps, personne n’ose negotier ni aller aux foires à trente et quarante lieues de la retraite de ces voleurs. »

8. Les mots picoreur, picorer, que Ménage, d’accord en cela avec le Dictionnaire des rimes de La Noue, p. 35, dérive du latin pecorare, enlever des troupeaux, étoient arrivés dans la langue vers le temps d’Estienne Pasquier. Voir ses Recherches de la France, livre 3, ch. 8. On se rappelle la jolie phrase des contes d’Eutrapel sur ces gens de maraude « accoustrés de bons habillements que la damoiselle Picorée avoit faits et filés ». Ce n’étoit pas seulement au temps des guerres que les soldats vivoient de ces pillages, ils n’en faisoient pas moins lorsqu’ils alloient pacifiquement par les provinces à la suite du roi. Un des Nouveaux satires d’An-