Page:Variétés Tome VIII.djvu/110

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nant de rien, monstrant toujours un mesme visage, et racontant plusieurs particularitez, tâchant de persuader qu’il estoit veritablement le vrai mari, protestant devant Dieu, lequel il supplioit de faire veoir à des juges non suspects son innocence en ce qu’on luy mestoit à sus. Et faisoit à cela beaucoup pour luy qu’il avoit de tesmoings de son costé bien en pareil nombre que les autres et de meilleure qualité17, mesmes les sœurs de Martin, lesquelles estoient si obstinement abusées, qu’il n’estoit pas aisé de leur faire si tost croire le contraire18 ; y aidoit aussy l’estime de tout le voisinage19, et le consentement de la femme avec laquelle il avoit cohabité quatre ans, n’estant pas croyable qu’elle eust peu si longuement estre trompée ; et, ce quy estoit chose fort estrange, il cognoissoit toutes les affaires de la maison20 ; aussy


reconnu, et lui avoit donné deux mouchoirs, dont un pour son frère Jean du Thil.

17. Sur cent cinquante témoins convoqués, trente étoient tout-à-fait pour le faux Martin, soixante déclaroient qu’ils n’osoient se décider, mais qu’en tout cas la ressemblance étoit miraculeuse. Les autres étoient contre lui, et soutenoient qu’il n’étoit pas Martin Guerre, mais bien M. Arnauld, dit Pansette.

18. On lit la même chose dans la relation donnée par Rocolles. Il paroît même que deux des maris de ces sœurs disoient comme elles.

19. Ceci ne se trouve point d’accord avec le récit de Rocolles. Arnauld avoit, au contraire, à ce qu’il paroit, une très mauvaise réputation, ce qui lui nuisit fort, car, selon l’axiome latin, Malus semper presumitur malus.

20. Et il ne s’en tenoit pas là. Il entroit avec tous en de pareils détails sur leurs affaires. « À ceux qui faisoient