Page:Variétés Tome VIII.djvu/126

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à deux différentes reprises, qui durèrent depuis une heure jusqu’à quatre, et que depuis ce temps-là jusqu’à son souper il parut fort inquiet, se promenant dans son appartement sans parler à personne. Après son souper, M. Le Grand, qui avoit passé toute l’après-dînée à jouer au mail et à voir monter un cheval dont M. de Charrault19 lui avoit fait présent, vint voir Sa Majesté, qui redoubla ses caresses, lesquelles estoient refroidies depuis cinq ou six jours, et l’appela son cher amy, ce qu’elle n’avoit point fait depuis ce temps-là, et s’entretinrent avec une familiarité extraordinaire et des démonstrations de bienveillance très-particulières de la part du roy, jusqu’à tant qu’il fut couché et que M. Le Grand lui eut tiré le rideau, Sa Majesté lui disant de s’aller reposer, puisqu’il estoit harassé du mail.

Il ne fut pas si tost sorty que le roy envoie quérir M. de Charraut, et lui ordonne de se saisir des clefs des portes du château et de venir le lendemain l’éveiller à trois heures ; ce qu’ayant fait, il luy ordonna d’aller arrester la personne de M. Le Grand ; lequel, cependant, ayant esté informé des secrettes conférences de l’après-dînée, du refroidissement de Sa Majesté envers luy, de ses caresses augmentées, joint à quelques advis que lui donna son écuyer, estoit sorty secrettement du chasteau, monté à cheval, pour tenter de sortir aussy de la ville ; mais, trouvant les portes fermées, il va au logis de son


19. Le comte de Charost, capitaine des gardes, celui-là même qui, vous l’allez voir, fut chargé d’arrêter Cinq-Mars.