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Page:Variétés Tome X.djvu/196

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Que ce peu langoureux en ma prime verdeur
Me geina tout un an, dont je n’avois au cœur
Que desir de la mort, la quelle, bien que blesme,
N’est si triste qu’un mal dict du medecin mesme.
Alors, ô saincte Vierge, il me souvient de toy
Et d’un espoir très bon je confirme ma foy,
Remuant en mon cœur ces secrétes pensées :
Ô épouse de Dieu, qui vierge lui agrées,
Et qui durant qu’icy ta vie eut si beau cours
Souloit toujours donner aux malades secours,
Et qui peux ores plus, après que le ciel mesme
T’a donné près de Dieu ta demeure suprême ;
Icy, icy regarde et chasse de mon corps
La lente fièvre quarte et la banny dehors :
Rends moy, je te supply, et moi-mesme à mon livre
Sans la joye du quel je ne saurois plus vivre.
Car je pense qu’il est plus aisé de mourir
Une fois que fiévreux par tant de jours languir.
Mais ce n’est rien qu’icy je te fasse promesse :
Aussi tu n’as besoin de notre petitesse,
Ainsy je chanteray le loz de ton bienfaict.
À peine sans parler j’avois ce vœu parfaict,
Mais sans plus, à part moy, au secret de mon âme,



pour la guérison dont il lui avoit été redevable près d’un demi-siècle auparavant. Il avoit été guéri en 1492, et il ne remercioit qu’en 1532 ! encore son remerciement étoit-il intéressé. Érasme se sentoit vieux, malade ; et vieillesse et maladie ne lui avoient rendu la mémoire du bienfait qu’avec un secret désir de recourir une seconde fois à la divine bienfaitrice. Comme tant de débiteurs en retard, il ne payoit que pour avoir de nouveau le droit d’emprunter.