Page:Vasari - Vies des peintres - t1 t2, 1841.djvu/11

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une résolution inouïe les événements, les hommes, les œuvres, les situations, les rapports, et qui, dans les plus insolentes abstractions, généralisent fantastiquement tout ce qui leur tombe sous la main, sans y avoir presque regardé ; et par les talents légers qui renversent tout dans leurs inconstants et continuels revirements, et dont l’inquiétude maladive ne laisse à rien ni consistance ni force. Il en est ainsi, surtout sur le terrain de l’histoire de l’art. On doit le concevoir d’autant mieux, que les écrivains qui sont en possession de l’occuper et d’y produire, étant toujours des hommes exclusivement littéraires, ne peuvent guère exposer que des lieux communs, empruntés à la métaphysique de l’art, ou des détails de pure érudition dont ils sont peu à même d’apprécier l’utilité ou l’emploi. En effet, c’est parce qu’ils sont généralement entrepris par des gens incompétents et mal disposés à se bien renseigner, que les nombreux écrits sur la peinture fourmillent d’erreurs de tous genres. Pour peu qu’on ait une plume taillée et du loisir, on arrive à traiter la question d’art : il faut dire qu’il y a toute licence et nul danger à le faire. De ce qu’il a été convenu, à tort ou à raison, que les productions artistiques s’adressaient à tout le monde, tout le monde s’est cru capable de les apprécier et de les juger ; et comme les conventions mal faites engendrent vite les plus grands abus, au lieu de se borner à jouir naïvement, à se prêter franchement aux impressions que l’artiste cherche à exciter, on s’est donné la mission de l’influencer et de le tordre. Rien ne saurait résister à cette position fausse. Nous savons bien que les parleurs n’en veulent pas convenir ; mais nous savons aussi que les parleurs n’ont jamais fait avancer l’art d’une ligne ; et si nous sommes disposés à reconnaître que la décadence de nos écoles a donné naissance à cette invasion de la critique, il faut bien sans doute que l’on nous accorde que jamais la critique ne ravivera l’art. C’est un cercle vicieux ; on ne peut en sortir que par des concessions mutuelles. Dans l’intérêt de l’art, il faut permettre aux artistes de demander qu’on retire des questions qui les touchent cette ignorante loquacité qui embrouille toutes les choses et n’en tranche aucune : erreurs bavardes, qui ne