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PIETRO DELLA FRANCESCA,
PEINTRE.


On ne peut trop vivement déplorer le sort de l’homme qui, après avoir entrepris des travaux utiles, dont il espérait de glorieux fruits, se voit tout à coup arrêté dans sa marche par la mort ou les infirmités. Et bien souvent alors les ouvrages qu’il laisse presque achevés deviennent la proie de fripons qui cherchent à cacher leur peau d’âne sous les dépouilles du lion. Le temps, qui, dit-on, est le père de la vérité, découvre la fraude tôt ou tard ; mais en attendant, le travailleur reste privé de l’honneur qui lui était dû. C’est ce qui advint à Pietro della Francesca. Arithméticien, géomètre et perspectiviste consommé, la cécité dont il fut frappé dans sa vieillesse l’empêcha de mettre en lumière ses nombreux écrits que l’on conserve encore au Borgo-San-Sepolcro, sa patrie. Après sa mort, un de ses élèves, Fra Luca dal Borgo, au lieu de penser à augmenter la gloire et la renommée du bon vieillard qui lui avait enseigné tout ce qu’il savait, eut la méchanceté impie de s’emparer de ses œuvres et de les publier sous son propre nom.