Page:Vasari - Vies des peintres - t3 t4, 1841.djvu/463

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Léonard avertit Ser Piero qu’il eût à l’envoyer prendre, attendu qu’il avait terminé la tâche dont il s’était chargé. Ser Piero se rendit donc un matin à l’atelier de son fils. Après qu’il eut frappé à la porte, Léonard lui ouvrit, le pria d’attendre, entra pour placer la rondache dans son jour sur le chevalet, et disposa la lumière de façon qu’elle éclairât son travail de reflets éblouissants. Il fit ensuite entrer son père qui, oubliant ce qu’il venait chercher, et ne pouvant se persuader que ce qu’il voyait fût une peinture, s’élança pour fuir précipitamment. Léonard le retint et lui dit : « Mon père, cet ouvrage produit l’effet que j’en attendais : prenez-le donc et emportez-le. »

Ser Piero loua et le travail, qu’il trouvait miraculeux, et le mot ingénieux de son fils. Puis il acheta secrètement, chez un mercier, une autre rondache, sur laquelle était peint un cœur percé d’une flèche, et la donna au paysan qui en conserva toute sa vie une grande reconnaissance. Et le bon père, sans en rien dire, vendit la rondache de son fils cent ducats à des marchands florentins, qui ne tardèrent pas à en obtenir trois cents du duc de Milan.

Léonard peignit ensuite une Vierge, qui a appartenu au pape Clément VII. Entre autres choses fort remarquables dans ce tableau, on admire une carafe pleine de fleurs couvertes de rosée, qui ont une fraîcheur qu’on croirait dérobée à la nature. Il dessina aussi sur une feuille de papier, pour son ami intime, Antonio Segni, un Neptune, dont le char est traîné par des chevaux marins. Le dieu semble respirer, et la mer s’agiter sous son peuple de tritons, de dau-