Page:Vasari - Vies des peintres - t3 t4, 1841.djvu/59

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un sujet déjà traité par le Buonarroti, Filippi ait pu paraître aussi neuf et aussi grandiose. On voit qu’à l’exemple des vrais imitateurs, il copia, non pas les figures de son modèle, mais son esprit et son génie. Il abusa même, à l’exemple du Dante et du Buonarroti, de l’occasion qui lui était offerte par la nature de son sujet, pour prouver son affection à ses amis en les plaçant parmi les élus, et pour se venger de ceux qui l’avaient offensé, en retraçant leur image parmi les réprouvés. Il peignit, dans cette foule de malheureux, une jeune fille qui, lui ayant manqué de foi, avait renoncé à sa main ; puis, il représenta dans le haut, parmi les élus, une autre jeune fille qu’il avait épousée pour remplacer la première, et il la suppose regardant et insultant sa rivale. Baruffaldi et d’autres Ferrarais mettent ce tableau au-dessus de celui de la Sixtine pour le sentiment des convenances, et pour le coloris que l’on a retouché, et que, par conséquent, l’on ne peut juger aujourd’hui avec exactitude ; mais on peut s’en rapporter au témoignage de M. Barotti, qui a décrit les peintures de Ferrare, et qui se plaint de ce que ces figures qui, jadis, semblaient être de chair animée, paraissent être de bois maintenant ; mais on ne manque point d’autres preuves de la perfection du coloris de Filippi, à Ferrare, où l’on voit, par plusieurs peintures intactes, combien il avait ce mérite. Seulement il anime un peu trop les teintes bronzées dans les chairs ; et souvent, pour unir ses couleurs, il obscurcit tout ce qu’il peignit, conformément à