Page:Vasari - Vies des peintres - t3 t4, 1841.djvu/58

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ractère dont on n’avait eu jusqu’alors que fort peu d’idée dans l’école de Ferrare : cet homme était Bastiano Filippi, appelé dans sa patrie Bastianino, et surnommé Gratella à cause de l’usage qu’il avait adopté de graticuler les grandes peintures pour les réduire exactement en petit, et qu’il avait introduit le premier à Ferrare.

Bastiano était fils de Camillo, artisle dont on ne peut déterminer l’école, mais dont les tableaux sont peints (selon le jugement de Benoni) avec une franchise et une pureté admirables, comme l’Annonciation de Santa-Maria-in-Vado, dont le plan contient une demi-figure de saint Paul, d’après laquelle on peut conjecturer que Camillo Filippi aspira au style de Michel-Ange. Il paraît donc que Bastiano tenait de son père le désir ardent d’atteindre à ce but ; ce qui le détermina à partir secrètement de la maison paternelle pour aller à Rome, où il devint l’un des copistes les plus infatigables, et l’un des disciples les plus chers de Buonarroti. On voit, à Ferrare, combien il avait profité des leçons d’un si grand maître, lorsqu’on observe le Jugement Universel, qu’il y peignit dans le chœur de l’église métropolitaine. Cet ouvrage, auquel il employa trois années, se rapproche tellement de celui de Michel-Ange, que toute l’école florentine n’en a pas un seul autre qu’on puisse lui comparer à cet égard. Le dessin y est large, les images y sont variées. On y remarque une bonne disposition de groupes, et l’œil y trouve du repos. Il semble incroyable que, dans